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SAINT FRANÇOIS SOLANO

tence. Il croyait que sa parole n’aurait point d’efficacité si elle n’était fécondée par le sacrifice. Sa vie était une immolation continuelle, un holocauste d’amour pour Dieu et pour les hommes, et la conservation de ses forces était comme un miracle permanent.

Il faisait à pied tous ses voyages. Sûr de Dieu, rien ne l’arrêtait : il étendit son manteau sur les eaux du Paraguay, avança dessus et traversa ainsi le grand fleuve.

Le surnaturel et le divin débordent dans la vie de François Solano, mais il garda toujours sa nature d’artiste ; partout il emportait sa lyre, et rien n’était charmant comme de voir le grand apôtre se délasser de ses fatigues en chantant des hymnes à la Vierge. Pour lui, elle était vraiment la plus aimable et la plus aimée des mères, et cet amour filial, il le lui témoignait, non seulement par un dévouement sans bornes à sa gloire, mais aussi par d’enfantines et poétiques extravagances. Cet empire qu’au paradis terrestre l’homme exerçait sur les autres êtres de la création, Dieu le rendit au grand missionnaire. Ses biographes en citent de nombreuses preuves. Le commandant Gardas se rendait un jour avec le Saint à l’école de Talavera, quand un taureau furieux s’élança vers eux.

Le commandant, qui était à cheval, piqua des deux et s’enfuit.

Une fois en sûreté, il eut honte d’avoir abandonné le Père Solano et revint pour le défendre au péril de sa vie. Mais quelle ne fut pas sa surprise ! Le terrible animal, subitement apprivoisé, marchait comme un petit chien aux côtés du saint qui le flattait de la main.

Les Espagnols avaient introduit au Pérou les combats de taureaux. Ce cruel spectacle passionnait aussi les Indiens, et à ces courses il y avait toujours foule. Un jour, à San Miguel, l’un des taureaux, rendu furieux par les coups et les clameurs, sauta par-dessus la palissade. Il y eut des morts et des blessés ; et écrasant tout sur son passage, l’animal courut au P. Solano qui se trouvait à passer. On le crut mort.