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PHYSIONOMIES DE SAINTS

» — Je ne vous demande pas des conseils, continua le pape. Je vous ai fait venir pour que vous me fassiez connaître la volonté de Dieu.

Catherine arrêta sur lui son regard pénétrant et répondit simplement :

» — Très Saint Père, nul ne connaît mieux que vous la volonté de Dieu, car il y a longtemps que Votre Sainteté a fait le vœu de retourner à Rome ».

Le pape avait en effet fait ce vœu et ne s’en était jamais ouvert à personne. Cette preuve de pénétration surnaturelle acheva de le décider.

Le 13 septembre 1376, les portes du palais pontifical s’ouvrirent tout à coup.

Suivi de quinze cardinaux, le pape s’apprêtait à descendre vers le Rhône où une galère l’attendait, quand son vieux père accourut tout en larmes, poussant des cris déchirants. Jusque-là, il n’avait point voulu croire au départ. Transporté de douleur, il s’étendit sur le seuil en disant à son fils :

« — Vous passerez d’abord sur mon corps.

— Dieu a dit : « Tu marcheras sur l’aspic et le basilic ; tu fouleras aux pieds le lion et le dragon », répondit Grégoire et il passa ».

La mule qu’on lui présenta se cabra et refusa son cavalier, ce qui parut de mauvais augure.

Avignon aimait les papes. On s’était promis de retenir Grégoire au prix même d’une émeute. Cependant, la foule s’ouvrit. Dominée par une impression irrésistible, elle laissa la voie libre à l’Église romaine retournant à la ville éternelle.

Dans la rade de Marseille, vingt galères attendaient à l’ancre, commandées par le grand maître de l’ordre de saint Jean de Jérusalem.

En sortant du port, la flotte fut assaillie par une tempête effroyable. Une vague emporta l’évêque de Luni. On mit seize jours pour se rendre à Gênes.

Le pape y débarqua, brisé de souffrances. Ses courtisans et ses cardinaux le pressaient de rebrousser