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SAINT JEAN DE DIEU

Jean se fit le serviteur de tous. À qui l’essuie pour l’amour de Jésus-Christ, la fétide sueur de l’humanité souffrante est plus vivifiante à respirer que les parfums que brûlent les anges. Aussi le saint poursuivit son œuvre, sans défaillir jamais.

Après avoir passé tout le jour à soigner ses malades et ses pauvres, il allait, chaque soir, vers neuf heures, quêter pour eux. Deux grandes marmites sous les bras, une hotte sur les épaules, il passait par les rues de Grenade, s’arrêtait à toutes les portes et criait : Faites le bien, faites le bien, pour l’amour de Dieu. On l’accueillit d’abord avec des mépris, des moqueries. Mais le sillon que les saints tracent s’illumine bientôt sous leurs pas.

La curiosité ayant poussé certaines gens à suivre Jean, ils furent ravis des prodiges opérés par sa charité. Le touchant récit de ce qu’ils avaient vu ne tarda pas à se répandre.

On eut honte de laisser faire à un seul, ce que la ville entière aurait dû faire. Toutes les portes furent dès lors ouvertes à Jean de Dieu et quelques âmes d’élite se joignirent à lui pour l’aider dans son œuvre.

Un soir qu’il revenait tard de la ville, dit son vieux biographe, Jean de Loyac, il aperçut, à un carrefour, un pauvre qui gisait étendu, portant sur sa figure la pâle et surprenante représentation de la mort. Jean courut à lui, ému de compassion. Le pauvre ayant consenti à se laisser conduire à son hôpital, il l’y porta et, avant de le mettre au lit, voulut laver lui-même ses pieds souillés de poussière. Comme il allait les lui essuyer, il remarqua, tout à coup, que les pieds de ce pauvre étaient transpercés et, ayant levé les yeux sur son visage il le vit si beau, si touchant, qu’il tomba en défaillance.

« Jean, mon serviteur fidèle, lui dit le Seigneur, revenez à vous. C’est pour vous témoigner l’estime que je fais de vos humbles actions, et du soin que vous prenez de ceux que j’ai rachetés par le sang qui a coulé de mes plaies, que je vous traite de cette sorte ; vous ne rendez aucun bon office aux affligés, vous ne