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PHYSIONOMIES DE SAINTS

ment. Il faut que vos jeûnes et vos veilles sans fin vous aient bien affaibli la tête. Où en prendre du pain pour le leur donner ?

— Dans la huche, ma Bonna Donna, répondit Luchesio jouant agréablement sur le nom de sa femme. Va, ne te défie pas de Dieu.

Bonna Donna était loin d’avoir la même confiance que son mari ; elle finit pourtant par ouvrir la huche. Une odeur appétissante de pain frais se répandit. La huche était pleine.

Riant et pleurant, Bonna Donna se jeta aux pieds de son mari, et à partir de ce jour, les sollicitudes de la vie ne furent plus rien pour elle.

Cependant, François d’Assise se dirigeait vers la Toscane, et un mouvement de renaissance chrétienne sans égal dans l’histoire se produisait. Les campagnes se levaient, les villes sortaient en masse et se précipitaient à la rencontre du saint. Il ne prêchait pas seulement l’amour, il en était possédé, enivré, et cette ivresse divine gagnait les plus froids. L’héroïque besoin d’immolation qu’il y a au fond des âmes se réveillait, et parfois tous les auditeurs du saint, hommes, femmes, enfants, tombaient à ses pieds et le suppliaient de les recevoir dans son Ordre.

C’est devant l’élan de ces foules sur qui il sentait le souffle de l’Esprit que le génie novateur de François conçut l’idée du Tiers-Ordre. Ce projet grandiose était déjà mûri, quand Luchesio vint supplier le saint de lui apprendre à lui et à sa femme le chemin de la perfection.

François fut ravi de son détachement, de ses aspirations, et dans l’ami de ses jeunes années il eut vite découvert le type de la nouvelle famille religieuse qu’il voulait fonder. S’ouvrant à Luchesio du projet qu’il méditait, il lui parla du Tiers-Ordre qu’il voulait établir, afin de donner aux laïques une partie des avantages de la vie religieuse. Sa règle ne devait être qu’une sage application des lois de l’Évangile. « Accomplir avec joie les devoirs de son état, donner aux moindres actions une inspiration sainte, retrouver,