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Cette admirable vertu du courage — qui en suppose tant d’autres — ne s’affaiblit jamais chez cette femme auguste, et à l’âge de soixante-neuf ans, elle en donna une preuve qui mérite d’être signalée.

Mgr de Saint-Valier songeait alors à fonder l’Hôpital Général. Au mois de mars 1689, il écrivit à la Sœur Bourgeoys pour l’engager à se rendre à Québec, afin d’en conférer avec elle.

Il n’y avait pas longtemps que l’effroyable massacre de Lachine avait jeté l’épouvante et la consternation dans la colonie. Cependant la Sœur Bourgeoys n’attendit pas la navigation ; elle n’hésita pas à se mettre en route, et fit à pied le voyage de Montréal à Québec, endurant des fatigues inconcevables, souvent obligée de se traîner à genoux sur la glace.

L’évêque voulait lui confier l’établissement de l’Hôpital. Malgré ses répugnances, elle entra aveuglément dans ses vues et se livra à des travaux durs et humiliants, portant sur ses épaules, de la basse-ville à la haute, les meubles et les ustensiles nécessaires au nouvel hôpital, et après avoir employé à ce pénible travail, les quatre premiers jours de la semaine sainte, elle passa la nuit du jeudi au vendredi, à genoux, immobile devant le Saint-Sacrement[1].

Envers les abandonnés recueillis par la compassion de l’évêque de Québec, elle exerça la charité dans la souveraine perfection. Trois ans plus tard, Mgr de Saint-Valier déchargea les Sœurs de la Congrégation du soin de l’hôpital. Elles purent toutes rentrer dans les fonctions de leur institut et par l’éducation des jeunes filles travaillèrent à la formation si laborieuse de notre nationalité. « Vous ne sauriez croire, écrivait l’intendant de Meulles à Colbert, combien les filles de la Congrégation

  1. M. Faillon