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ÉLOGE DE M. L’ABBÉ DE GUA.


parut dangereux eu France, même quarante ans après, et M. l’abbé de Gua, qui tenait à ses idées, et qui avait le malheur commun à tous les hommes de courage, d’avoir besoin d’être convaincu pour céder, aima mieux abandonner son projet, que d’en retrancher des parties qui n’en étaient pas à ses yeux les moins importantes.

Dans le même temps, il avait été obligé de faire quelques traductions pour suppléer à la modicité de sa fortune, et ce parti était sage. Il en est des ouvrages comme de beaucoup de places qui sont d’autant plus chèrement payées qu’elles exigent moins de talents, et la raison en est la même à quelques égards, c’est qu’elles ne procurent point d’autre récompense.

Nous ne parlerons que d’une seule de ces traductions, celle des dialogues d’Hylas et de Philonoüs, par l’évêque de Cloyne. L’objet de l’ouvrage est de prouver que les raisonnements des philosophes sur l’existence et la nature des substances matérielles sont vagues et souvent vides de sens ; que le langage scientifique qu’ils y emploient les conduit à des résultats inintelligibles ou contradictoires ; qu’ils sont même à quelques égards moins avancés que le vulgaire, dont le langage grossier renferme moins d’équivoques ; qu’enfin, pour des êtres bornés à ne connaître immédiatement que leurs sensations et les idées qui en résultent, ce n’est pas l’existence des esprits, mais celle des corps qui est difficile à comprendre et à prouver. Si Berkley s’était contenté d’ajouter que notre conviction de l’existence et de la