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REMARQUES


fait de victimes. Combien cependant de guerres inutiles sont regardées comme justes, et entreprises sans remords, sur de frivoles motifs d’intérêt politique ou de dignité nationale !

3° C’est un usage reçu en Europe qu’un gentilhomme vende, à une querelle étrangère, le sang qui appartient à sa patrie ; qu’il s’engage à assassiner, en bataille rangée, qui il plaira au prince qui le soudoie ; et ce métier est regardé comme honorable !

4° Tout juge qui décerne une peine de mort, sans y être condamné par une loi expresse, est un assassin. Ni une loi vague qui permettrait de prononcer même la mort, suivant l’échéance des cas, ni ce qu’on appelle la jurisprudence des arrêts, ne peuvent le justifier ; car la permission de tuer un homme n’en donne pas le droit ; et c’est mal se justifier d’un meurtre que de dire qu’on est dans l’habitude d’en commettre.

Tout juge qui décerne une peine capitale pour une action qui ne blesse aucune des lois de la nature ; pour une action ou indifférente, ou blâmable, mais qui n’est un crime qu’aux yeux des préjugés ; pour une action imaginaire enfin, se rend coupable de meurtre. La loi l’oblige, dit-il, de prononcer ainsi ; mais la loi ne l’oblige pas d’être juge, et la nature lui défend d’être absurde et barbare. Il vaut mieux renoncer à la charge de président à mortier qu’à la qualité d’homme.

Nous oserons demander si les juges d’Anne du Bourg, de Dolet, de Morin, de Petit-d’Herbé, des