Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
RÉFLEXIONS

était utile, et les sciences spéculatives, regardées injustement comme inutiles, sont trop négligées.

Autrefois, enfin, on ne croyait, on n’agissait que d’après des autorités ; maintenant on ne veut admettre pour guide que sa propre raison. Les particuliers regardaient les lois comme des oracles. Ils semblaient croire qu’on ne pouvait oser y trouver des défauts, à moins que d’en avoir reçu la mission du législateur. Maintenant un rédacteur de lois n’est qu’un homme, et les lois qu’il propose sont, comme tout autre ouvrage, soumises à l’examen et à la censure.

Mais n’est-ce pas aller trop loin ? Ne pourrait-on pas supposer que des hommes qui ont rempli des places importantes, qui ont montré de grands talents, qui surtout ont vieilli dans l’administration, ont été plus à portée d’apprécier les bons effets d’une loi, qu’un sage qui ne la juge dans son cabinet que d’après l’idée qu’il s’est faite de la nature et des droits de l’homme ? On entrevoit la nécessité de réformer la jurisprudence criminelle ; et quel objet est plus digne en effet d’occuper tous les hommes, puisque, sans une bonne législation, il ne peut y avoir dans un pays ni sûreté, ni repos, ni bonheur ! On commence même à en sentir toute l’importance dans les États monarchiques, quoiqu’il n’y ait guère que le peuple sur qui l’empire des lois s’y exerce avec liberté ; enfin, on s’est aperçu que les hommes de tous les ordres ont intérêt de n’être point soumis à une jurisprudence obscure, incertaine et secrète, ou à des lois équivoques, dont le crédit puisse abuser pour perdre un innocent.

On a donc beaucoup écrit sur cette matière ; et