Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/183

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truction générale également répandue peut être le seul remède. Quand la loi a rendu tousles hommes égaux, la seule distinction qui les partage en plusieurs classes est celle qui naît de leur éducation ; elle ne tient pas seulement à la différence des lumières, mais à celle des opinions, des goûts, des sentiments, qui en est la conséquence inévitable. Le fils du riche ne sera point de la même classe que le fils du pauvre, si aucune institution publique ne les rapproche par l’instruction, et la classe qui en recevra une plus soignée aura nécessairement des moeurs plus douces, une probité plus délicate, une honnêteté plus scrupuleuse ; ses vertus seront plus pures, ses vices, au contraire, seront moins révoltants, sa corruption moins dégoûtante, moins barbare et moins incurable. Il existera donc une distinction réelle, qu’il ne sera point au pouvoir des lois de détruire, et qui, établissant une séparation véritable entre ceux qui ont des lumières et ceux qui en sont privés, en fera nécessairement un instrument de pouvoir pour les uns, et non un moyen de bonheur pour tous.

Le devoir de la société, relativement à l’obligation d’étendre dans le fait, autant qu’il est possible, l’égalité des droits, consiste donc à procurer à chaque homme l’instruction nécessaire pour exercer les fonctions communes d’homme, de père de famille et de citoyen, pour en sentir, pour en connaître tous les devoirs.