Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/204

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barrière au charlatanisme, à l’hypocrisie, qui, sans cette utile résistance, s’empareraient de toutes les places. Ceux que des talents ou des vertus y appellent ne pourraient, sans ce secours, combattre l’intrigue qu’avec désavantage. En effet, un instinct naturel inspirera toujours aux hommes peu éclairés une sorte de défiance pour ceux qui aspireront à obtenir leurs suffrages : ne pouvant juger d’après leurs propres lumières, croiront-ils les concurrents sur eux-mêmes ou sur leurs rivaux ? Ne se défieront-ils pas de leurs opinions, dans lesquelles ils leur supposeront un intérêt caché, avec d’autant plus de facilité, que si cet intérêt existait réellement, ils ne le distingueraient pas ? Il faut donc que la confiance du commun des citoyens puisse se reposer sur les hommes qui n’aspirent à rien, et qui soient en état de guider leur choix.

Mais cette classe ne peut exister que dans un pays où l’instruction publique offrirait à un très grand nombre d’individus la facilité d’acquérir ces connaissances qui consolent et embellissent la vie, qui empêchent de sentir le poids du temps et la fatigue du repos. C’est là que ces nobles amis de la vérité peuvent se multiplier assez pour être utiles, et trouver dans la société de leurs égaux un encouragement à leur modeste et paisible carrière. C’est là seulement que des connaissances ordinaires n’offrant pas à l’ambition des espérances séductrices, on n’a besoin que d’une vertu commune pour consentir à n’être qu’un honnête homme et un citoyen éclairé.

Ce que nous venons de dire de