Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La puissance publique ne peut pas établir un corps de doctrine qui doive être enseigné exclusivement.

Sans doute, il est impossible qu’il ne se mêle des opinions aux vérités qui doivent être l’objet de l’instruction. Si celles des sciences mathématiques ne sont jamais exposées à être confondues avec l’erreur, le choix des démonstrations et des méthodes doit varier suivant leurs progrès, suivant le nombre et la nature de leurs applications usuelles. Si donc dans ce genre, et dans ce genre seul, une perpétuité dans l’enseignement ne conduisait pas à l’erreur, elle s’opposerait encore à toute espèce de perfectionnement. Dans les sciences naturelles les faits sont constants. Mais les uns, après avoir présenté une uniformité entière, offrent bientôt des différences, des modifications qu’un examen plus suivi ou des observations multipliées font découvrir ; d’autres, regardés d’abord comme généraux, cessent de l’être, parce que le temps ou une recherche plus attentive ont montré des exceptions. Dans les sciences morales et politiques, les faits ne sont pas si constants, ou du moins ne le paraissent pas à ceux qui les observent. Plus d’intérêts, de préjugés, de passions mettent obstacle a la vérité, moins on doit se flatter de l’avoir rencontrée ; et il y aurait plus de présomption à vouloir imposer aux autres les opinions qu’on prendrait pour elle. C’est surtout dans ces sciences qu’entre les vérités reconnues et celles qui ont échappé à nos recherches, il existe un espace immense