Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/236

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est un ridicule ou un malheur pour celui à qui on la fait contracter, et une véritable calamité pour ceux que le sort condamne a vivre auprès de lui. Celle du besoin de mériter l’estime conduit, au contraire, à cette paix intérieure qui seule rend le bonheur possible et la vertu facile.

Conclusion.

Généreux amis de l’égalité, de la liberté, réunissez-vous pour obtenir de la puissance publique une instruction qui rende la raison populaire, ou craignez de perdre bientôt tout le fruit de vos nobles efforts. N’imaginez pas que les lois les mieux combinées puissent faire un ignorant l’égal de l’homme habile, et rendre libre celui qui est esclave des préjugés. Plus elles auront respecté les droits de l’indépendance personnelle et de l’égalité naturelle, plus elles rendront facile et terrible la tyrannie que la ruse exerce sur l’ignorance, en la rendant à la fois son instrument et sa victime. Si les lois ont détruit tous les pouvoirs injustes, bientôt elle en saura créer de plus dangereux. Supposez, par exemple, que dans la capitale d’un pays soumis à une constitution libre, une troupe d’audacieux hypocrites soit parvenue à former une association de complices et de dupes ; que dans cinq cents autres villes, de petites sociétés reçoivent de la première leurs opinions, leur volonté et leur mouvement, et qu’elles exercent l’action qui leur est transmise sur un peuple que le défaut d’instruction livre sans défense aux fantômes de la crainte,