Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/252

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dans l’or. Telle est la différence entre les mots qui expriment des idées mathématiques et ceux qui désignent des objets réels. Si maintenant on applique les mêmes observations aux mots du langage ordinaire, à ceux qui expriment des idées morales, et dont le sens n’est déterminé, ni par une analyse rigoureuse, ni par les qualités naturelles d’un objet réel, on verra comment, avec des idées différentes, on peut s’entendre encore, mais pourquoi il est plus facile de cesser de le pouvoir. Ces principes exposés, on aperçoit d’abord combien il serait chimérique d’exiger que les enfants ne trouvassent dans leurs livres que des mots dont ils eussent des idées bien exactement identiques avec celles d’un philosophe habitué à les analyser. Par exemple, comme la plupart même des hommes faits, ils n’auront qu’une idée très vague et très peu précise des mots grammaticaux, et même des relations grammaticales que ces mots expriment. Mais il n’y a aucun inconvénient à ce qu’un enfant lise j’ai fait et je fis, sans savoir que le présent du verbe avoir mis avant le participe du verbe faire exprime un prétérit de ce verbe, pendant qu’un autre se forme par un changement particulier dans la terminaison du verbe même. Il en résultera seulement que pour lui la langue française n’aura aucun avantage sur celle où il n’existerait aucun moyen de distinguer, ni ces deux prétérits, ni la nuance d’idée qui en caractérise la différence. On trouvera de même que si on fait connaître à un enfant, par une description, l’animal, la plante, la substance désignée par un nom, si on la lui montre,