Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/289

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lois établies jadis pour des hommes qui avaient d’autres idées ou d’autres besoins, comment l’enseignement des langues anciennes serait-il une partie essentielle de l’instruction générale ? Elles sont utiles, dira--ton, aux savants, à ceux qui se destinent à certaines professions ; c’est donc à cette partie de l’instruction qu’elles doivent être renvoyées. Le goût, ajoutera-t-on, se forme par l’étude des grands modèles ; mais le goût, porté à ce degré où l’on a besoin de comparer les productions des différents siècles et des langues diverses, ne peut être un objet important pour une nation entière. Je demanderai ensuite si la raison des jeunes élèves sera formée assez pour distinguer, dans ces grands modèles, les erreurs qui s’y trouvent mêlées à un petit nombre de vérités, pour séparer ce qui appartient à leurs préjugés et à leurs habitudes, pour les juger eux-mêmes au lieu d’adopter leurs jugements. Je demanderai si le danger de s’égarer à leur suite, de prendre auprès d’eux des sentiments qui ne conviennent ni à nos lumières, ni à nos institutions, ni à nos mœurs, ne doit pas l’emporter sur l’inconvénient de ne pas connaître leurs beautés. D’ailleurs, l’instruction publique que l’on propose ici n’est pas exclusive ; loin d’empêcher que d’autres maîtres ne s’établissent pour enseigner ce qu’elle ne renferme pas, soit dans l’intérieur des maisons d’institution, soit dans des classes publiques, on doit au contraire applaudir à ces enseignements libres. Ils sont, d’ailleurs, le moyen de corriger les vices de l’instruction établie, de suppléer à son imperfection, de soutenir le zèle des maîtres par la con-