Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/308

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plus à de mauvais choix, et ne serait propre qu’à encourager la médiocrité), il a dû naturellement arriver qu’au défaut d’un mérite reconnu, la faveur ait influé sur le choix, devenu alors presque arbitraire ; il a dû arriver aussi que les considérations personnelles aient écarté un grand talent pour une, pour deux élections ; mais jamais cette exclusion n’a été durable : l’amitié ou la haine ont pu quelquefois retarder son admission, mais non l’empêcher.

On ne pourrait citer, dans toutes les compagnies savantes de l’Europe, l’exemple d’un seul homme rejeté par ces sociétés, et dont le talent ait été reconnu par le jugement de la postérité ou par celui des nations étrangères. Sans doute, les académies qui s’occupent des sciences physiques ont repoussé courageusement ces charlatans qui, ayant usurpé une réputation éphémère par de hautes prétentions et de magnifiques promesses, n’ont pu séduire les savants aussi aisément que la multitude. Elles n’ont point accueilli l’ignorant présomptueux qui leur annonçait, comme de brillantes découvertes, des vérités depuis longtemps vulgaires, ou des erreurs déjà oubliées. Elles ont été sévères, même pour ces hommes qui sans véritable science comme sans génie, ont cru y suppléer par des systèmes, par des phrases ingénieuses où ils déployaient la séduisante philosophie de l’ignorance. Mais, bien loin que ce soit un tort, c’est, au contraire, la plus forte preuve de l’utilité de ces institutions. Les autres académies, qui ne pouvaient avoir une échelle aussi sûre pour mesurer le talent, ne sont pas moins à l’abri du re-