Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/311

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ont été bientôt oubliées, et souvent après avoir expié, par quelques mois de ridicule, leur célébrité usurpée.

La raison se joint ici au témoignage de l’expérience : une société savante s’avilirait elle-même, et la considération de ses membres s’anéantirait par leur refus obstiné d’un homme d’un grand talent. Cette considération n’est fondée que sur la bonté, presque générale, des choix. La gloire de quelques-uns se répand sur les autres ; les grands noms qui décorent une liste académique jettent une sorte d’éclat sur les noms moins célèbres qu’on lit auprès d’eux ; et cette confraternité repousse l’idée d’une infériorité trop prononcée.

Le but de ces sociétés est de découvrir des vérités, de perfectionner des théories, de multiplier les observations, d’étendre les méthodes. Serait-il rempli, si elles ne choisissaient que des hommes incapables d’y concourir ? Et l’habitude des mauvais choix ne les aurait-elle pas bientôt détruites ? Il y a donc une cause toujours subsistante qui, agissant dans toutes leurs élections en faveur de la justice, fait qu’au milieu des passions qui se balancent, l’avantage doit être pour elle. Cette force ne pourrait être vaincue que par l’envie, qui s’élèverait contre un homme vraiment supérieur. je ne nierai point l’existence de ce sentiment, ni sa honteuse influence ; mais admettre un savant dans une académie, ce n’est pas reconnaître en lui une supériorité humiliante pour ceux qui déjà partagent cet honneur. L’homme le plus jaloux du génie de Newton n’aurait pas eu