Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/359

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Plutarque pour les vies des guerriers, des hommes d’État : celles qu’il nous a laissées réunissent à une collection précieuse de faits propres à caractériser les hommes et à peindre les mœurs, un choix non moins heureux de mots ou fins, ou sublimes, ou touchants. Le naturel du style, les réflexions qui, dictées par un sens droit, respirent la bonhomie, la candeur et la simplicité, enfin, ce goût d’une vertu indulgente et modeste qui en consacre toutes les pages, ont fait de cet ouvrage une lecture délicieuse pour les esprits justes ou les âmes pures et sensibles. Le changement des opinions et des mœurs n’en a pu détruire le charme.

On pourrait employer une partie de cet ouvrage en se servant de la traduction d’Amyot, qu’il serait facile de purger des fautes de langage, sans lui rien ôter de sa naïveté, qui la fait préférer encore à des traductions plus correctes, mais privées de mouvement et de vie ; car il ne faut pas croire que l’agrément du style d’Amyot, la grâce ou l’énergie de celui de Montaigne, tiennent à leur vieux langage. Sans doute l’usage qu’ils font de quelques mots expressifs qui ont vieilli, de quelques formes de phrases énergiques ou piquantes, aujourd’hui proscrites de la langue, contribuent au plaisir que donne la lecture de leurs ouvrages ; mais rien n’exige le sacrifice de ces mots et de ces phrases. La pureté du style ne consiste pas à n’employer que les mots ou les tours qui sont du langage habituel, mais à ne blesser ni l’analogie grammaticale, ni l’esprit de la langue, dans les mots non usités, dans les formes de phrase