Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/365

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ses : on avait besoin de prouver longuement ce dont on ne doute plus aujourd’hui ; souvent même la forme, la nature des preuves ne sont plus les mêmes : ce qui satisfaisait autrefois tous les esprits ne serait plus qu’un ramas inutile de lieux communs ou de vagues hypothèses. Ainsi les livres cessent de pouvoir être une lecture commune après une période de temps d’autant plus courte, que la marche de la raison a été plus rapide, ou il faut, en leur faisant subir des retranchements, les rendre intéressants pour tous les lecteurs ; tandis que les savants seuls liraient encore ces originaux, ces abrégés bien faits suffiraient même aux hommes éclairés.

Mais il ne faudrait pas ici, comme nous l’avons proposé pour les vies des hommes illustres, destinées à l’éducation morale, retrancher ce qui ne tend pas directement à l’instruction, et on doit y laisser tout ce qui caractérise l’auteur ou le siècle. Ces livres doivent être des mémoires pour l’histoire de l’esprit humain, de ses efforts, de ses chutes ou de ses succès dans les arts, dans les lettres, dans les sciences, dans la philosophie. Celui qui se borne à ne connaître que l’époque où il vit, eût-elle sur celle qui la précède une supériorité marquée, s’expose à en partager tous les préjugés ; car chaque génération a les siens, et le plus dangereux de tous serait de se croire assez près des dernières bornes de la raison pour ne plus en avoir à craindre. Une partie des ouvrages des mathématiciens, des astronomes, des physiciens, des chimistes devrait entrer dans cette collection. Quoique les progrès de ces sciences