Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes qui peuvent les apprécier, afin d’avoir plus de facilité pour tromper le reste ; c’est la crainte que la philosophie ne porte sur leur conduite une lumière sûre et terrible, qu’elle n’éclaire à la fois la nullité de leurs idées et la profondeur de leurs projets.

C’est ensuite la haine des principes qui, fondés sur la justice, sur la raison, opposent à toutes les conspirations de l’orgueil ou de l’avidité une inflexibilité désespérante. C’est, enfin, l’envie qui craint d’être obligée de reconnaître la supériorité des lumières et d’y céder. On hait dans les autres les talents auxquels on ne peut atteindre, et la gloire qui récompense le bien qu’ils font, et l’obstacle qu’ils mettent au mal qu’on voudrait faire.

Voulez-vous échapper aux pièges de ces imposteurs ? Voulez-vous que les places deviennent le prix des lumières, que des principes certains dirigent toutes les opérations importantes ? Faites que dans l’instruction publique ouverte aux jeunes citoyens, la philosophie préside à l’enseignement de la politique ; que celle-ci ne soit qu’un système dont les maximes du droit naturel aient déterminé toutes les bases.

Alors, les citoyens sauront à la fois échapper aux ruses des ambitieux, et sentir le besoin de confier leurs intérêts aux hommes éclairés. Une fausse instruction produit la présomption ; une instruction raisonnable apprend à se défier de ses propres connaissances. L’homme peu instruit, mais bien instruit, sait reconnaître la supériorité qu’un