Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/398

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aveugles dont ils puissent se faire tour à tour des appuis ou des victimes.

Les intérêts de cette classe de citoyens sont moins évidemment d’accord avec l’intérêt général que ceux des habitants des campagnes ; les combinaisons nécessaires pour apercevoir la liaison, l’identité de ces intérêts, sont plus compliquées et se forment d’idées plus subtiles. Enfin, plus près les uns des autres, leurs erreurs sont plus contagieuses, leurs mouvements se communiquent plus rapidement, et, agitant de plus grandes masses, peuvent avoir des dangers plus réels. La liberté a toujours été plus difficile à établir dans les villes qui renferment un grand nombre d’ouvriers. Il a fallu ou porter atteinte à la leur, en les soumettant à des règlements sévères, ou sacrifier à leurs préjugés, à leurs intérêts, celle du reste des citoyens : souvent même la réunion de ces deux moyens contraires n’a pu maintenir la paix qui devait être le prix de ces sacrifices. L’instruction ne serait-elle pas un secret plus doux et plus sûr ? L’homme qui passe d’un travail corporel à un désœuvrement absolu est bien plus facile à tromper, à émouvoir, à corrompre ; les erreurs, les craintes chimériques, les absurdes défiances entrent plus aisément dans une tête dépourvue d’idées. Des connaissances acquises dans les écoles publiques, en relevant les ouvriers à leurs propres yeux, en exerçant leur raison, en occupant leurs loisirs, serviront à leur donner des mœurs plus pures, un esprit plus juste, un jugement plus sain. S’il reste dans une nation une classe d’hommes condamnés à l’humiliation par