Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/409

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leur sexe, presque généralement condamné à ne pouvoir se procurer une subsistance indépendante ; par là on conserverait plus d’enfants, on les préserverait de ces accidents, de ces maladies des premières années, qui rendent contrefaits ou malsains ceux à qui elles laissent la vie ; par ce seul moyen, le peuple pourrait être soigné dans ses maladies. La douceur, la sensibilité, la patience des femmes lui rendraient leurs secours au moins aussi utiles que ceux d’hommes plus instruits, dont le nombre ne serait jamais assez considérable pour qu’une grande partie des habitants de la campagne n’en fût pas trop éloignée.

Quand bien même je regarderais la médecine dans son état actuel comme plus dangereuse qu’utile, je n’en croirais pas moins qu’il est nécessaire d’établir une instruction pour l’art de guérir ; car on ne prétendra pas, sans doute, qu’un médecin ayant des préjugés, agissant d’après de fausses lumières, commettant des fautes grossières par ignorance, et s’égarant moins encore par une application erronée de la doctrine qu’il a reçue que par les erreurs de cette doctrine même ; on ne prétendra pas qu’un tel homme soit moins dangereux que celui qui aurait reçu une instruction limitée, mais saine, dans laquelle on aurait proportionné l’étendue des connaissances aux besoins et à la possibilité d’en faire un usage utile ; où une sage philosophie aurait appris à savoir douter de ce qu’on ignore, à ne point agir quand on reste dans le doute ; où l’on inspirerait la défiance de soi-même, le respect pour les lumières,