Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/417

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qu’elle doit exciter, elle nous distrait, nous sépare de nous-mêmes pour nous porter vers de douces rêveries. Enfin, son influence est plus forte sur les hommes rassemblés ; elle les oblige à sentir de la même manière, à partager les mêmes impressions. Elle est donc au nombre des arts sur lesquels la puissance publique doit étendre l’instruction, et il ne faut pas négliger ce moyen d’adoucir les mœurs, de tempérer les passions sombres et haineuses, de rapprocher les hommes en les réunissant dans des plaisirs communs.


Avantages politiques de l’enseignement des arts libéraux.


L’enseignement des arts libéraux a encore un avantage politique qu’il ne faut point passer sous silence ; comme ils exigent des talents, des études, leurs productions doivent être payées plus chèrement que les travaux qui en demandent moins : ils sont donc un moyen d’établir plus d’égalité entre celui qui naît avec de la fortune et celui qui en est privé. Cet équilibre de richesses entre le patrimoine et le talent est un obstacle à l’inégalité, qui, malgré les lois politiques et civiles, pourrait se perpétuer ou s’introduire. On dira peut-être que cette même égalité détruirait les arts, qu’ils ne fleuriraient pas dans un pays où il n’y aurait que des fortunes médiocres : on se tromperait. Ceux qui n’aiment ces arts que par vanité veulent, sans doute, des jouissances solitaires. Un tableau ne leur fait plaisir que parce qu’il existe dans leur cabinet ; ils ne goûtent plus les ta-