Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/457

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les moyens d’exercer ces mêmes droits d’une manière utile à ma liberté et à mon bonheur : c’était donc pour que je pusse les exercer, et avec ordre, et avec lumières. J’ai été trop longtemps la victime des fautes de ceux qui avaient usurpé le droit de vouloir en mon nom ; faut-il que je le devienne maintenant de mes propres erreurs ; et n’est-ce point précisément pour n’être pas réduit à n’avoir à choisir qu’entre ces deux extrémités que je vous ai appelés ?

Souvent des citoyens égarés par de vils scélérats s’élèvent contre les lois ; alors la justice, l’humanité nous crient d’employer les seules armes de la raison pour les rappeler à leurs devoirs ; et pourquoi donc ne pas vouloir qu’une instruction bien dirigée les rende d’avance plus difficiles à séduire, plus disposés à céder à la voix de la vérité ?

Deux classes ont presque partout exercé sur le peuple un empire dont l’instruction seule peut le préserver : ce sont les gens de loi et les prêtres ; les uns s’emparent de sa conscience, les autres de ses affaires. En vain dira-t-on que les lois peuvent être assez simples pour que l’instruction lui soit inutile ; mais les lois primitives de tous les peuples étaient simples, étaient écrites dans un idiome que tout le monde entendait, et cependant c’est de ces lois simples qu’avec du temps et des subtilités les légistes sont parvenus à former des codes compliqués, obscurs, écrits dans un style inintelligible pour tout autre que pour eux. L’instruction n’est pas moins nécessaire pour garantir la conscience des piéges du