Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/160

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les frontières ; en France, les douze parlements, en Prusse, l’armée ; en Russie, les régiments des gardes et les grands.[1]

III.

Il y a deux sortes de despotisme qu’on pourrait appeler de droit et de fait, si le mot de droit pouvait s’unir à celui de despotisme, mais que j’appellerai despotisme direct et despotisme indirect. Le despotisme direct a lieu dans tous les pays où les représentants des citoyens n’exercent pas le droit négatif le plus étendu, et n’ont pas des moyens suffisants pour faire réformer les lois qu’ils jugent contraires à la raison et à la justice. Le despotisme indirect existe lorsque, malgré le vœu de la loi, la représentation n’est ni égale ni réelle, ou lorsqu’on est assujetti à une autorité qui n’est pas établie par la loi.

Ainsi, en Angleterre, par exemple, on trouvera que le despotisme direct existe, puisque le droit négatif du roi et de la chambre des pairs ne laisse à la nation aucun moyen légal de révoquer une mauvaise

  1. Ce n’est pas qu’un conquérant, un grand général, un tel roi ne puisse être réellement le seul maître, comme souvent dans une démocratie un homme par son ascendant sur le peuple exerce seul l’autorité ; mais il ne peut être question ici que de l’état habituel, et non de l’influence personnelle de certains individus.

    L’autorité arbitraire du chef sur son armée ne fait pas qu’il soit seul despote. Le bey d’Alger peut faire couper la tête aux officiers de ses troupes ; mais il est forcé de se conformer aux préjugés, aux prétentions, aux caprices de la milice.