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sur l’esclavage des Negres

ordre ; or, pour lui infliger ces punitions, il ne ſuffit point de les établir par une loi, il faut que le crime ſoit prouvé. Seroit-il juſte d’admettre, dans ce cas, le témoignage des Negres contre leurs maîtres. Quelques publiciſtes pourroient le penser. Ils diroient : Les maîtres n’ont aucun droit d’avoir des eſclaves ; on conſent qu’ils en aient, à condition que, s’ils ſont accuſés d’un crime contre un de leurs eſclaves, ils pourront être condamnés par le témoignage des autres. C’eſt librement, c’eſt pour ſe conſerver le droit, ſi cher à leurs yeux, de violer tous les droits de la nature, qu’ils s’expoſent à ne plus jouir des précautions que la loi a priſes pour défendre la ſureté des citoyens. Qu’ils affranchiſſent leurs eſclaves, qu’ils ſoient juſtes, & la ſociété le ſera avec eux. Nous croyons qu’on peut oppoſer à ce raiſonnement, non-ſeulement l’injuſtice d’une telle loi, qui ſuit évidemment des principes que nous avons établis page 8, mais l’encouragement qu’elle donneroit aux vices des eſclaves. D’un autre côté, ſi on n’admet pas le témoignage des Negres, toute preuve de délits commis par le maître devient impoſſible.