Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
Réflexions

moins comme nous ménageons les bêtes de ſomme.

De ces quatre aſſertions, aucune n’eſt vraie, les Negres ſont beaucoup plus maltraités qu’on ne le croit en Europe ; j’en juge, non par les livres qu’impriment leurs maîtres, mais par les aveux qui leur échappent ; j’en juge par le témoignage d’hommes reſpectables que ce ſpectacle a rempli d’horreur. Je ne prends pas l’indignation qu’ils montrent pour de la déclamation, parce que je ne crois pas qu’un homme doive parler froidement d’excès qui revoltent la nature. Suivant le principe qu’adoptent les partiſans de l’eſclavage, tout homme qui a de l’humanité, qui poſſede une ame forte ou ſenſible, devient indigne de toute croyance, & l’on ne doit accorder ſa confiance qu’à des hommes aſſez froids & aſſez vils pour qu’on ſoit bien ſûr que quelque horreur qu’on exerce en leur préſence, jamais leur ame n’en ſera troublée. Je crois enfin ceux qui ont décrit les horreurs de l’eſclavage des Negres, parce qu’ils ſont exempts d’intérêt, parce qu’on n’en peut avoir aucun (d’ignoble du moins) à combattre pour les malheureux Noirs. Je rejette