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empire. Jamais elle ne fut asservie par aucun peuple, ni toute entière, ni d’une manière durable. La langue latine, qui y étoit la langue unique du peuple, s’y corrompit plus lentement ; l’ignorance n’y fut pas aussi complète, ni la superstition aussi stupide que dans le reste de l’Occident.

Rome, qui ne reconnut de maîtres que pour en changer, conservoit une sorte d’indépendance. Elle étoit la résidence du chef de la religion. Ainsi, tandis que, dans l’Orient, soumis à un seul prince, le clergé, tantôt gouvernant les empereurs, tantôt conspirant contre eux, soutenoit le despotisme, même en combattant le despote, et aimoit mieux se servir de tout le pouvoir d’un maître absolu que de lui en disputer une partie, on vit au contraire, dans l’Occident, les prêtres, réunis sous un chef commun, élever une puissance rivale de celle des rois, et former dans ces états divisés une sorte de monarchie unique et indépendante.

Nous montrerons cette ville dominatrice essayant sur l’univers les chaînes d’une nou-