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un très-haut degré de civilisation, le commerce qu’ils ont ouvert avec eux, n’y ont pu produire cette révolution. Ces relations, ce commerce leur ont donné quelques connoissances, quelque industrie, et sur-tout beaucoup de vices, mais n’ont pu les tirer de cette espèce d’immobilité.

Le climat, les habitudes, les douceurs attachées à cette indépendance presqu’entière, qui ne peut se retrouver que dans une société plus perfectionnée même que les nôtres, l’attachement naturel de l’homme aux opinions reçues dès l’enfance, et aux usages de leur pays, l’aversion naturelle de l’ignorance pour toute espèce de nouveauté, la paresse de corps, et sur-tout celle d’esprit, qui l’emportoient sur la curiosité si foible encore, l’empire que la superstition exerçoit déjà sur ces premières sociétés, telles ont été les principales causes de ce phénomène ; mais il faut y joindre l’avidité, la cruauté, la corruption, les préjugés des peuples policés. Ils se montroient à ces nations, plus puissans, plus riches, plus instruits, plus actifs, mais plus vicieux, et sur-tout moins heureux qu’elles. Elles ont