Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/211

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Le colonel s’arrêta court. La réputation de bon sens et de bonne humeur du lieutenant d’Hubert pesait dans la balance. Tête froide, cœur chaud et sincère. Toujours correct dans sa conduite. Il fallait lui faire confiance. Le colonel contint virilement une immense curiosité.

— Hum ! vous affirmez que comme homme et comme officier... Vous n’aviez pas le choix dites-vous ?

— Comme officier, officier du 4e hussards, surtout, insista d’Hubert. Non, mon colonel ; et c’est le fond de l’affaire.

— Soit ! Bien que tout de même, je ne voie pas pourquoi, à votre colonel... Un colonel est un père, que diable !

Le colonel n’aurait pas dû laisser échapper d’Hubert, qui prenait, avec humiliation et désespoir, conscience de son insuffisance physique. Il cédait à un entêtement de malade, et sentait avec terreur ses yeux se remplir de larmes. L’affaire était trop lourde pour lui. Une larme roula sur sa joue pâle et amaigrie.

Le chef se détourna brusquement ; on eût entendu tomber une épingle :

— C’est une stupide histoire de femme, sans doute ?

En prononçant ces paroles, le colonel se retourna vivement, pour surprendre la vérité, qui n’est pas une belle femme cachée au fond d’un puits, mais un oiseau timide que la ruse seule peut saisir. Ce fut le dernier effort de sa diplomatie. Il discerna l’incontestable vérité dans l’attitude du lieutenant, qui levait au ciel ses yeux et son bras affaibli, en une protestation suprême.

— Pas une histoire de femme, hein ? gronda le colonel avec un regard perçant. Je ne vous demande ni quoi ni quelle. Tout ce que je veux savoir, c’est s’il y a une femme dans l’affaire ?

Les bras du lieutenant tombèrent, et d’une voix brisée :

— Rien de pareil, mon colonel !

— Sur votre honneur ? insista le vieux soldat.