Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/158

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plus pitoyables ainsi que s’ils eussent été déjà morts.

Soudain, un des coolies se mit à parler. Une lueur passa, puis s’éteignit sur sa face maigre aux traits tirés ; il renversa la tête en arrière comme un chien qui hurle ; de la soute, arrivaient des bruits de heurts, et le tintement de quelques dollars qui s’éparpillaient ; le coolie tendit les bras, ouvrit béante une bouche noire, et ses incompréhensibles hululements gutturaux qu’on n’eût dit appartenir à aucune langue humaine emplissaient Jukes d’une étrange émotion ; il croyait entendre un animal s’efforcer à la parole.

Deux autres, sur le même mode entonnèrent férocement ce que Jukes crut être des revendications ; le reste du troupeau faisait une basse grondante et commençait à s’agiter. Jukes ordonna aux hommes d’équipage d’évacuer précipitamment l’entrepont. Lui-même en sortit le dernier, marchant à reculons vers la porte, tandis que les grognements gagnaient en intensité et devenaient menaçants, et que vers lui des poings se tendaient comme vers un