Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/170

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noire de sa cabine, comme s’adressant à un autre être qui se fût éveillé en lui-même.

— « Ça m’ennuierait de le perdre », disait-il.

Il était assis, loin des yeux, à l’écart de la mer, du navire même, isolé et comme forclos du courant de sa propre existence, car des incongruités comme celle de se parler à soi-même n’y eussent sûrement pas trouvé place. Ses mains posaient à plat sur ses genoux ; il courbait la nuque et soufflait lourdement ; il s’abandonnait à une étrange sensation de lassitude, où un peu plus de clairvoyance lui eût permis de reconnaître la courbature de l’esprit.

Il pouvait, sans se lever, atteindre la porte de sa toilette. Il devait y avoir là un essuie-mains. « Oui. Le voici… » Il le prit ; il s’épongea la face, puis continua, frictionnant sa tête trempée. Il frottait et se bouchonnait dans le noir ; puis laissa retomber sa serviette sur ses genoux et demeura immobile. Un instant s’écoula dans un si profond silence que personne n’eût deviné qu’un homme était assis là,