Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La matinée était belle ; la mer d’huile se soulevait et s’abaissait uniformément lisse et il y avait dans le ciel à l’entour du soleil un bizarre cercle de brume, semblable à un hâlo.

Sur le gaillard d’avant, où s’entassaient les Chinois, parmi le ramassis d’habits sombres, de faces jaunes, de queues de cheveux, luisaient nombre d’épaules nues ; car il ne faisait pas de vent, et la chaleur était étouffante.

Les coolies flânaient, parlaient, fumaient ou regardaient d’un air morne par-dessus la lisse. Quelques uns, tirant de l’eau le long des flancs du navire, se douchaient mutuellement ; quelques autres dormaient sur les panneaux ; d’autres encore, par petits groupes de six, étaient assis sur leurs talons, autour des plateaux de fer chargés de minuscules tasses de thé. Chacun de ces Célestes, sans exception, emportait avec lui tout ce qu’il possédait dans ce monde : une petite malle aux coins de cuivre, avec une serrure à sonnerie, renfermant quelques vêtements de cérémonie, des bâtons d’encens, un peu d’opium peut-être, on ne sait