Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/61

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C’était un de ces hommes comme on en ramasse dans tous les ports du monde à l’heure du besoin ; qui ne manquent pas de compétence, mais sont désespérément à court d’argent ; leur aspect ne témoigne d’aucun vice sans doute, mais bien de la faillite irrémédiable de leur vie. Ils viennent à bord un jour d’urgence ; ils n’ont d’attache avec aucun navire, et tous leur sont également indifférents ; ils n’ont que des rapports occasionnels avec leurs camarades, qui ne connaissent rien de leur vie ; puis brusquement, ils décident de vous lâcher, et cela toujours au moment le plus inopportun. Ils s’esquivent sans un mot d’adieu dans quelque port abandonné du ciel ; ils n’emportent avec eux sur le rivage qu’une misérable petite malle ficelée comme une cassette, et fuient avec l’air de secouer vers le navire qu’ils quittent la poussière de leurs souliers.

— « Attendez seulement un peu », reprit-il. Jukes ne voyait de lui qu’un dos buté, que balançait l’énorme lame.

— « Alors vous pensez que ça va