Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/134

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nais l’intrépidité et l’héroïsme sont du côté des bouchers. Sachons unir ces deux vertus, la prudence et le courage, les Français n’auront pas le temps de nous river les fers aux pieds.

Un radieux sourire attesta la joie que causait cet éloge au doyen des bouchers.

— Cela est vrai, répondit-il, il y a de braves compagnons dans ma corporation, maître Pierre… Ces damnés d’étrangers en sauront quelque chose quand la pomme encore verte sera mûre. Mais, à propos, avez-vous réfléchi à la présence de notre jeune comtesse, comment la cacherons-nous à la reine ?

— Je la lui montrerai en plein soleil !

— En plein soleil ! vous laisserez voir la comtesse Mathilde à Jeanne de Navarre ? Vous perdez le jugement, si je crois ; et vous avez la tête fêlée !

— Ma tête est saine et entière, maître Breydel, répondit de Coninck. Demain, lors de l’entrée du souverain étranger, tous les tisserands seront sous les armes, et vous aurez soin d’amener aussi vos bouchers. Que pourront alors faire les Français : je vous le demande ? Et je vous réponds : rien. Rien, vous le savez aussi bien que moi. Eh bien : je mets au premier rang, devant nous, bien en évidence, la comtesse Mathilde, afin que Jeanne de Navarre la remarque et la reconnaisse au besoin. Je saurai alors ce que pensera la reine en la voyant, et ce que nous avons à craindre pour Mathilde.

— Bravo ! maître Pierre ! bravo. Voilà qui est