Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/267

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trace d’une longue tristesse, il avait cependant encore assez de feu dans le cœur pour donner à ses yeux une vivacité extraordinaire. Après avoir contemplé un instant les murs restés debout de Nieuwenhove, un sourire amer erra sur ses lèvres ; il baissa la tête et parut regarder quelque chose dans le gazon : deux larmes brillèrent sous ses paupières et roulèrent jusqu’à terre. Alors il dit :

— Ô héros, mes frères ! votre noble sang a été versé sur ces pierres, vos cadavres reposent sous moi, dans le sommeil éternel de la mort, et les fleurs solitaires se sont enracinées comme des couronnes saintes de martyr par-dessus vos ossements. Vous êtes heureux, vous qui avez perdu cette pénible vie pour la patrie ; car vous n’avez pas vu l’esclavage de la Flandre. Vous êtes morts, libres et glorieux, vos âmes ne portent pas la tache que l’étranger a imprimée sur la tête du Flamand. Le sang de celui auquel vous avez donné le nom superbe de Lion a trempé cette terre avec le vôtre ; son épée était un éclair exterminateur, et son bouclier un mur ; maintenant, ô honte ! maintenant il est assis sur vos tombes solitaires soupirant comme un réprouvé ; maintenant des larmes d’impuissance jaillissent de ses yeux comme de ceux d’une faible femme.

Le chevalier se leva tout à coup, baissa précipitamment la visière de son casque et, se tournant vers la route, il parut écouter avec attention. Un bruit qui ressemblait à des pas de chevaux se fit entendre au