Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous en auriez déjà fini. Chantez, je vous l’ordonne !

L’inquiétude du ménestrel s’accrut à cette sommation impérative ; à peine savait-il encore tenir sa harpe en main, et il tremblait tellement que les cordes de l’instrument, en frôlant ses vêtements, résonnèrent et envoyèrent quelques vagues accords à l’oreille des bouchers, ce qui rendit leur envie encore plus grande.

— Veux-tu jouer ou chanter ? s’écria Breydel, car si tu ne te hâtes, cela va tourner mal.

Le ménestrel, pris d’une mortelle frayeur, porta sur la harpe ses doigts tremblants et ne tira de l’instrument que des sons faux et confus. Les bouchers s’aperçurent sur-le-champ qu’il ne savait pas en jouer.

— C’est un espion ! s’écria Breydel : fouillez-le et assurez-vous s’il ne porte pas sur lui quelque trahison.

En un instant le ménestrel fut dépouillé de ses vêtements de dessus, et bien qu’il demandât grâce d’une voix suppliante, il fut durant cette perquisition rudement poussé de côté et d’autre.

— Je le tiens ! s’écria un boucher qui avait glissé la main sous le pourpoint de l’inconnu ; voici la preuve de la trahison !

Il retira sa main qui tenait un parchemin ployé en trois ou quatre doubles et auquel était appendu un sceau entouré de cire pour qu’il ne se brisât