Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vent trop haut ; car, de généreux amis du peuple qu’ils étaient, ils deviennent de vils et lâches flatteurs, et soutiennent le pouvoir qui les a faits ce qu’ils sont ; ils savent qu’ils doivent grandir et tomber avec lui, et prévoient que le peuple, qu’ils ont délaissé, les repousserait et les mépriserait comme des transfuges.

Les métiers de Bruges avaient trop de confiance en de Coninck et en Breydel, pour que de semblables idées leur vinssent en ce moment. Leurs doyens étaient nobles maintenant ; ils avaient parmi eux deux hommes qui auraient accès dans le conseil du comte et qui pourraient désormais regarder en face et combattre ouvertement les ennemis de leurs droits et priviléges. Ils sentaient combien leur puissance allait s’en accroître, et c’est pourquoi ils se livraient à la joie la plus franche. Les cris d’allégresse se prolongèrent jusqu’à ce que les poitrines fussent fatiguées. Alors le silence se fit, et la satisfaction ne se trahit plus que par l’expression des physionomies et par les gestes.

Adolphe de Nieuwland se rendit auprès des doyens et les engagea à se présenter devant Guy ; ils obéirent et se dirigèrent lentement vers le cortége.

On ne lisait pas la joie sur le visage du doyen des tisserands. Il s’avançait, grave et calme, sans qu’aucune passion parût l’émouvoir ; cependant son cœur était plein d’une douce satisfaction et d’un noble orgueil ; mais sa prudence habituelle avait si bien sou-