Page:Considérations sur la France.djvu/41

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l'ordre dans le désordre ; car il demeure évident, pour peu qu’on y réfléchisse, que les grands coupables de la révolution ne pouvoient tomber que sous les coups de leurs complices. Si la force seule avoit opéré ce qu’on appelle la contre-révolution, et replacé le Roi sur le trône, il n’y auroit eu aucun moyen de faire justice. Le plus grand malheur qui pût arriver à un homme délicat, ce seroit d’avoir à juger l’assassin de son père, de son parent, de son ami, ou seulement l’usurpateur de ses biens. Or, c’est précisément ce qui seroit arrivé dans le cas d’une contre-révolution, telle qu’on l’entendoit ; car les juges supérieurs, par la nature seule des choses, auroient presque tous appartenu à la classe offensée ; et la justice, lors même qu’elle n’auroit fait que punir, auroit eu l’air de se venger. D’ailleurs, l’autorité légitime garde toujours une certaine modération dans la punition des crimes qui ont une multitude de complices. Quand elle envoie cinq ou six coupables à la mort pour le même crime, c’est un massacre : si elle passe certaines bornes, elle devient odieuse. Enfin, les grands crimes exigent malheureusement de grands supplices ; et, dans ce