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VI


DE L’ARBITRAIRE.

Avant de combattre les partisans de l’arbitraire, il faut que je prouve que l’arbitraire a des partisans : car telle est sa nature que ceux mêmes qu’il séduit par les facilités qu’il leur offre sont effrayés de son nom, lorsqu’il est prononcé ; et cette inconséquence est plus souvent un malentendu qu’un artifice.

L’arbitraire, qui a des effets très-positifs, est pourtant une chose négative : c’est l’absence des règles, des limites, des définitions, en un mot, l’absence de tout ce qui est précis.

Or, comme les règles, les limites, les définitions sont des choses incommodes et fatigantes, on peut fort bien vouloir secouer le joug, et tomber ainsi dans l’arbitraire, sans s’en douter.

Si je ne définissais donc pas l’arbitraire, je prouverais vainement qu’il a les effets les plus funestes. Tout le monde en conviendrait ; mais tout le monde protesterait contre l’application. Chacun dirait : L’arbitraire est sans doute infiniment dangereux ; mais quel rapport y a-t-il entre ses dangers et nous, qui ne voulons pas l’arbitraire !