Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/103

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lesquelles les individus doivent pouvoir compter mutuellement dans leurs relations sociales, il n’y aurait plus de morale là où il n’existerait plus de règles. Mais, comme la morale a un point de contact perpétuel avec les intérêts de chacun, tous se sont constamment opposés, sans le savoir, et par instinct, à l’introduction de l’arbitraire dans la morale.

Ce que l’absence des intérêts personnels produit dans les sciences, leur présence, au contraire, le produit dans la morale.

L’arbitraire, en institutions politiques, est de même la perte de toute institution politique ; car les institutions politiques étant l’assemblage des règles sur lesquelles les individus doivent pouvoir compter dans leurs relations comme citoyens, il n’y a plus d’institutions politiques là où ces règles n’existent pas.

Mais il n’en a pas été de la politique comme des sciences ou de la morale.

La politique ayant beaucoup de points de contact avec les intérêts personnels, mais ces points de contact n’étant ni égaux, ni perpétuels, ni immédiats, elle n’a eu contre l’arbitraire, ni la sauvegarde de l’absence totale des intérêts comme dans les sciences, ni la sauvegarde de leur présence égale et constante, comme dans la m morale.

C’est donc spécialement dans la politique que l’arbitraire s’est réfugié ; car je ne parle pas de la religion qui, n’étant ni une science, ni une relation sociale, ni une institution, sort absolument de la sphère de nos considérations actuelles.

L’arbitraire est incompatible avec l’existence d’un gouvernement, considéré sous le rapport de son institution ; il est dangereux pour l’existence d’un gouvernement, sous le rapport de son action ; il ne donne aucune