Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/111

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Trois constitutions ont été données à la France[1], et l’on ne paraît pas encore s’être fait une idée bien nette de ce qu’est une constitution, et du genre de respect que l’on doit à une constitution.

Il en résulte qu’on ignore les ressources immenses qu’offrent les institutions libres en faveur de la liberté, et que, méconnaissant les moyens nombreux que la loi fournit, on cherche à les remplacer par le plus illusoire et le plus dangereux de tous les moyens, l’arbitraire.

Une constitution est la garantie de la liberté d’un peuple ; par conséquent, tout ce qui tient à la liberté est constitutionnel, et, par conséquent aussi, rien n’est constitutionnel de ce qui n’y tient pas.

Étendre une constitution à tout, c’est faire de tout des dangers pour elle, c’est créer des écueils pour l’en entourer.

Il y a de grandes bases, auxquelles toutes les autorités nationales ne peuvent toucher. Mais la réunion de ces autorités peut faire tout ce qui n’est pas contraire à ces bases.

Parmi nous, par exemple, ces bases sont une représentation nationale en deux sections, point d’unité, point d’hérédité, l’indépendance des tribunaux, l’inviolable maintien des propriétés que la constitution a garanties, l’assurance de n’être pas détenu arbitrairement, de n’être point distrait de ses juges naturels, de n’être point frappé par des lois rétroactives, et quelques autres principes en très-petit nombre.

Cela seul est constitutionnel : les moyens d’exécution sont législatifs.

Dans toutes les mesures de détail, dans toutes les lois

  1. Ces trois constitutions sont celles de 1791, 1793, 1795.