Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/121

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consolidé sont toujours moins multipliées que celle des factions qui ont encore à établir leur puissance. Mais cet avantage même se perd en raison de l’usage de l’arbitraire. Ses moyens une fois admis, on les trouve tellement courts, tellement commodes, qu’on ne veut plus en employer d’autres. Présenté d’abord comme une ressource extrême dans des circonstances infiniment rares, l’arbitraire devient la solution de tous les problèmes et la pratique de chaque jour. Alors, non-seulement le nombre des ennemis de l’autorité s’augmente avec celui des victimes, mais sa défiance s’accroît hors de toute proportion avec le nombre de ses ennemis. Une atteinte portée à la liberté en appelle d’autres, et le pouvoir entré dans cette voie finit par se mettre de pair avec les factions.

On parle bien à l’aise de l’utilité des mesures illégales, et de cette rapidité extra-judiciaire qui, ne laissant pas aux séditieux le temps de se reconnaître, raffermit l’ordre et maintient la paix. Mais consultons les faits, puisqu’on nous les cite, et jugeons le système par les preuves mêmes que l’on allègue en sa faveur.

Les Gracques, nous dit-on, mettaient en danger la république romaine. Toutes les formes étaient impuissantes : le sénat recourut deux fois à la loi terrible de la nécessité, et la république fut sauvée. La république fut sauvée ! c’est-à-dire que, de cette époque, il faut dater sa chute. Tous les droits furent méconnus ; toute constitution renversée. Le peuple n’avait demandé que l’égalité des privilèges ; il jura le châtiment des meurtriers de ses défenseurs, et le féroce Marius vint présider à sa vengeance.

L’ambition des Guises agitait le règne de Henri III. Il semblait impossible de juger les Guises ; Henri III fit assassiner l’un d’eux. Son règne en devint-il plus