Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/149

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ou les plus coupables : l’anarchie sera partout. Dira-t-on qu’il faut obéir à la loi, en tant que loi, indépendamment de son contenu et de sa source ? On se condamnera à obéir aux décrets les plus atroces et aux autorités les plus illégales.

De très-beaux génies, des raisons très-fortes, ont échoué dans leurs tentatives pour résoudre ce problème.

Pascal et le chancelier Bacon ont cru qu’ils en donnaient la solution, quand ils affirmaient qu’il fallait obéir à la loi sans examen, « C’est affaiblir la puissance des lois, dit le dernier, qu’en rechercher les motifs. »

Approfondissons le sens rigoureux de cette assertion. Le nom de loi suffira-t-il toujours pour obliger l’homme à l’obéissance ? Mais si un nombre d’hommes ou même un seul homme sans mission (et pour embarrasser ceux que je vois d’ici s’apprêter à me combattre, je personnifierai la chose, et je leur dirai : soit le Comité de salut public, soit Robespierre) intitulaient loi l’expression de leur volonté particulière, les autres membres de la société seront-ils tenus de s’y conformer ? L’affirmative est absurde ; mais la négative implique que le titre de loi n’impose pas seul le devoir d’obéir, et que ce devoir suppose une recherche antérieure de la source d’où part cette loi.

Voudra-t-on que l’examen soit permis, lorsqu’il s’agira de constater si ce qui nous est présenté comme une loi part d’une autorité légitime ; mais que, ce point éclairci, l’examen n’ait plus lieu sur le contenu même de la loi ?

Que gagnera-t-on ? Une autorité n’est légitime que dans ses bornes ; une municipalité, un juge de paix sont des autorités légitimes, tant qu’elles ne sortent pas de