Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/183

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Enfin, elle fut détruite, cette oligarchie, plus resserrée en nombre, plus dénuée d’éclat, que les aristocraties les plus abusives ; cette oligarchie, dont les membres n’avaient pour eux ni les grands souvenirs des nobles de la France ou de l’Espagne, ni les fonctions positives des pairs d’Angleterre, ni la considération des patriciens de Venise ou de la Suisse.

Le principe de la notabilité, qui, comme on le verra, n’a pas été abandonné jusqu’ici, reposait sur une erreur spécieuse. Il importe à la liberté, disait-on, que les hommes impopulaires n’arrivent pas aux places, et il importe à l’ordre que les factieux ne s’en emparent pas ; on avait, en conséquence, exposé les amis du gouvernement à se voir exclus par le peuple, et les amis du peuple à se voir écartés par le gouvernement. Mais ce n’est point un mal que le gouvernement donne sa confiance à des hommes impopulaires, quand ils sont intègres et scrupuleux, pourvu que la liberté soit d’ailleurs entourée de sauvegardes ; et ce n’est pas un mal non plus que le peuple puisse remettre ses intérêts aux caractères indépendants, lorsque la constitution est du reste solidement organisée. Ce ne sont pas les talents qu’il faut exclure, même quand on les croit dangereux ; ce sont les intérêts qu’il faut concilier, et les garanties qu’il faut rendre inviolables. Par la notabilité, sans doute, les Scipions, à Rome, n’auraient pas été du nombre des éligibles, ni les Gracques, de celui des élus ; mais qu’on ne pense pas que la paix y eût gagné ; les dissensions civiles n’avaient, pour première cause, ni la fierté des Scipions, ni la turbulence des Gracques, mais les intérêts opposés de deux classes ennemies, en l’absence de tout pouvoir

    naires désignaient à leur tour un dixième d’entre eux, et ceux qui faisaient partie de ce dixième formaient une liste nationale, où le Sénat choisissait les députés.

    (Note de l’éditeur.)