Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/199

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ties. Les indépendants sont ceux qui aiment la monarchie constitutionnelle, parce qu’elle est constitutionnelle, et qui respectent la transmission de l’hérédité au trône, parce que cette transmission met le repos des peuples à l’abri de la lutte des factions, mais qui pensent que c’est pour le peuple que le trône existe, et qu’on nuit également aux rois en foulant aux pieds les droits des citoyens, et aux citoyens en essayant de renverser la puissance légale des rois. Les indépendants, enfin, sont cette génération innombrable, élevée au milieu de nos troubles, et qui, froissée dès sa jeunesse dans ses intérêts et dans ses affections les plus chères par l’arbitraire de tous les régimes, déteste l’arbitraire sous toutes les dénominations, et démêle la fausseté de tous les prétextes. Les indépendants sont tous ceux qui, n’ayant ni la prétention d’arrêter, de dépouiller, de bannir illégalement personne, ni celle d’être payés par ceux qui arrêtent, qui dépouillent, qui bannissent, ne veulent aucune loi qui les expose à être arrêtés, dépouillés, bannis illégalement.

C’est parmi ces hommes qu’il faut choisir ceux à qui nous confierons nos destinées. Nous avons essayé assez longtemps d’écarter, de fausser, d’ajourner les principes. À l’époque de l’établissement de chaque constitution nous avons été salués des mêmes phrases. Les dangers de l’État, l’urgence des circonstances, ont toujours glacé de terreur nos législatures successives. Les constitutions suspendues ont été brisées et leurs éclats ont frappé nos têtes. Essayons une fois d’hommes moins timides, d’hommes qui croient que la liberté et que la justice ont aussi quelque force, et qui osent penser qu’on peut gouverner un peuple sans le priver de ses droits, et exécuter une constitution sans la suspendre. Certes, le résultat, quel qu’il soit, ne sera pas plus fâcheux que