Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/269

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qu’il était utile de prouver que tous les genres de liberté tourneraient à l’avantage du gouvernement, s’il était loyal et juste.

Je ne me suis point laissé arrêter par une difficulté bizarre qu’on ne cesse d’opposer à ceux qui veulent appuyer leurs raisonnements des exemples que nous avons sous les yeux. J’ai cité l’Angleterre, faute de pouvoir citer un autre pays qui nous présentât des leçons pareilles[1]. Certes, je voudrais bien avoir pu varier mes citations, et avoir trouvé en Europe plusieurs pays à citer de même. J’ai cité l’Angleterre, malgré les hommes qui prétendent qu’il est indigne de nous d’imiter nos voisins, et d’être libres et heureux à leur manière.

Il me semble que nous n’avons pas eu assez à nous louer de l’originalité de nos tentatives pour redouter à ce point l’imitation, ou plutôt je dirai que n’ayant fait qu’imiter dans nos erreurs, tantôt de petites démocraties orageuses, sans égard aux différences des temps et

  1. Dans la première édition de cet ouvrage, j’étais tombé dans une erreur grave, en indiquant l’Angleterre comme le seul pays où l’on eût joui de la liberté de la presse. J’avais oublié, je ne sais comment, la Suède, le Danemark, la Prusse, et tous les autres États protestants de l’Allemagne. En Suède, la liberté de la presse est illimitée ; et dans cette liberté on a longtemps compris celle des journaux. Ce n’est que depuis peu d’années, depuis 1810, si je ne me trompe, que de légères restrictions ont été établies pour les feuilles périodiques, et ces restrictions n’ont point été l’effet des inconvénients que la liberté avait entraînés. Elles ont eu lieu dans un moment où la Suède n’avait pas encore rompu ses relations avec Bonaparte, et craignait de l’irriter. La liberté des journaux n’a jamais produit en Suède aucun désordre intérieur ; elle n’a été limitée que pour complaire à l’homme tout-puissant que l’Europe entière était obligée de ménager. La guerre qui vient de se terminer a détourné l’attention du gouvernement de cet objet ; il n’a pu songer à révoquer une loi qui s’exécute à peine ; mais je tiens de la personne même qui a exercé cette censure avec une libéralité digne d’éloges, que l’une des premières opérations de la diète qui doit se réunir incessamment sera de l’abroger.