Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/364

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dans les dissensions civiles il n’y avait que les morts qui ne revinssent pas. L’axiome est faux ; ils reviennent appuyer les vivants qui les remplacent, de toute la force de leur mémoire et du ressentiment de ce qu’ils ont souffert. En second lieu, quand il y a des conspirations, c’est que l’organisation politique d’un pays où ces conspirations s’ourdissent est défectueuse ; il n’en faut pas moins réprimer ces conspirations : mais la société ne doit déployer contre des crimes dont ses propres vices sont la cause que la sévérité indispensable ; il est déjà suffisamment fâcheux qu’elle soit forcée de frapper des hommes qui, si elle eût été mieux organisée, ne seraient pas devenus coupables.

Enfin la peine de mort doit être réservée pour les criminels incorrigibles. Or, les délits politiques tiennent à l’opinion, à des préjugés, à des principes, à une manière de voir, en un mot, qui peut se concilier avec les affections les plus douces et les plus hautes vertus. L’exil est la peine naturelle, celle que motive le genre même de la faute, celle qui, en éloignant le coupable des circonstances qui l’ont rendu tel, le replacent en quelque sorte dans un état d’innocence, et lui rendent la faculté d’y rester.

Le meurtre avec préméditation, l’empoisonnement, l’incendie, tout ce qui annonce l’absence de cette sympathie qui est la base des associations humaines et la qualité première de l’homme en société, tels sont les crimes qui seuls méritent la mort ; l’autorité peut frapper l’assassin, mais elle le frappe par respect pour la vie des hommes ; et ce respect, dont elle punit l’oubli avec tant de rigueur, elle doit le professer elle-même.