Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/371

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C’est ce système que je vais essayer de réfuter ; et d’abord j’observerai qu’il ne faut pas le confondre avec la doctrine d’indulgence et d’oubli pour les excès révolutionnaires, qui seule peut affermir la paix intérieure de la république. L’on ne m’accusera pas d’être opposé à cette doctrine. C’est jusqu’à présent une accusation contraire qu’on a tenté d’accréditer contre moi. Mais cette doctrine ne porte que sur les hommes ; le système que je combats porte sur les principes. Il est bon, sans, doute, de jeter un voile sur le passé, mais si des erreurs ou même des crimes peuvent être dans le passé, un système n’y peut jamais être ; des axiomes ne sont d’aucun temps ; ils sont toujours applicables ; ils existent dans le présent, ils menacent dans l’avenir. Prouver qu’il faut pardonner aux hommes qu’a égarés le boule-

    redoutable de la vraie liberté. M. Edgard Quinet, dans l’ouvrage intitulé la Révolution, soutient exactement la même thèse que Benjamin Constant, comme on peut le voir dans le tome II, liv. XVII, aux chapitres intitulés : Causes de la terreur ; — que la liberté est condamnée à être humaine ; — Morale des terroristes ; — Comment la terreur démoralisait la révolution. À côté du livre de M. Quinet, nous indiquerons dans le même ordre d’idées : Le tribunal révolutionnaire, de M. Émile Campardon. Ce livre curieux constate que du 10 mars 1793 au 31 mai 1795, deux mille sept cent quatre-vingt-onze exécutions à mort ont eu lieu à Paris en vertu des arrêts du tribunal révolutionnaire ; — La Terreur, par M. Mortimer Ternaux ; — Paris en 1794 et 1795, Histoire de la rue, des clubs et de la famine, par M. Dauban ; — La Démagogie en 1793, par le même ; — Le couvent des Carmes et le séminaire de Saint-Sulpice pendant la terreur, par M. Alexandre Sorel ; — Histoire des Girondins et des massacres de septembre, par M. Granier de Cassagnac, ouvrage important sur lequel nous revenons plus loin.

    Si de l’histoire de Paris on passe à l’histoire des villes, on trouve encore à tout instant les plus douloureuses révélations sur ce déluge de sang où la France a failli s’engloutir. Espérons pour l’honneur de notre pays que, grâce à la lumière qui se fait chaque jour sur cette affreuse époque, il en sera désormais de la terreur comme de la Saint-Barthélemy et de la révocation de l’édit de Nantes, et que pas une voix ne s’élèvera pour défendre les bourreaux.

    (Note de l’éditeur.)