Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/377

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la terreur livra la répartition et le produit des sacrifices particuliers à des agents arbitraires et rapaces. Elle n’obtint par le crime que ce que la loi aurait assuré à la justice ; et le crime l’ayant forcé d’employer des instruments infidèles et avides, le seul effet de la terreur fut de rendre les sacrifices plus désastreux aux individus et moins utiles à la république.

Le gouvernement avait le droit, dans un péril pressant, d’interdire aux citoyens d’abandonner la patrie ; mais la terreur attribua ce délit aux hommes qui ne l’avaient pas commis. Elle força les citoyens à fuir, pour les punir de leur fuite, et multipliant ainsi les fausses accusations, elle prépara pour le gouvernement qui l’a remplacé un labyrinthe inextricable. Elle rendit les listes douteuses, les ruses faciles, les exceptions nécessaires, la pitié universelle ; et dans cette occasion, comme dans toutes, la terreur, en dirigeant la loi contre des innocents, fournit aux vrais coupables des moyens contre la loi.

Le gouvernement avait le droit de punir les prêtres agitateurs. Mais la terreur proscrivit, assassina, voulut anéantir tous les prêtres ; elle créa de nouveau une classe pour la massacrer ; et tandis que la justice eût paralysé le fanatisme, la terreur, en le poursuivant, en le combattant par l’injustice et la cruauté, en a fait un objet sacré aux yeux de quelques-uns, respectable aux yeux d’un grand nombre, intéressant aux yeux de tous.

Je ne pousserai pas plus loin cet examen des effets de la terreur. J’en conclus qu’elle n’a fait que du mal et n’a produit aucun bien. À côté de la terreur a existé ce qui était nécessaire à tout gouvernement, mais ce qui aurait existé sans la terreur, et ce que la terreur a corrompu et empoisonné en s’y mêlant.