Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/400

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blement à confondre toutes les idées, et à remplacer des notions précises par d’indéfinissables images.

Qui ne croirait, d’après ces principes, que le centre des intérêts du gouvernement est un point tellement marqué, tellement évident, tellement perceptible à tous les yeux, qu’au moment où le gouvernement s’y placera, il s’élèvera un cri unanime d’assentiment et d’approbation ? Et qui ne voit au contraire que, surtout à la fin d’une révolution, tous les intérêts ayant été froissés, les anciens intérêts subsistant encore, les intérêts nouveaux forts de leur jeunesse, chacun voudra faire de son intérêt le centre du gouvernement ; et que celui-ci, ballotté par tous ces intérêts successifs et opposés, n’acquerra ni stabilité, ni dignité, ni confiance ?

Il faut qu’immobile il laisse s’agiter, se briser à ses pieds, tous les intérêts particuliers, tous les intérêts de classe, que son immobilité les force à l’entourer, à s’arranger, chacun de la manière la plus tolérable, et à concourir, quelquefois malgré eux, au rétablissement du calme et à l’organisation du nouveau pacte social. Lorsqu’on veut rallier autour d’un étendard une armée dispersée, porte-t-on cet étendard çà et là dans la plaine, le présentant à chaque fuyard, le plantant au milieu de chaque groupe, l’en arrachant aussitôt pour le faire flotter ailleurs ? Ne le place-t-on pas plutôt sur quelque éminence, vers laquelle tous les yeux se tournent, tous les pas se dirigent, de sorte que la multitude, voyant enfin le point fixe, soit, pour ainsi dire, volontairement entraînée à se rassembler autour ?

Il faut que ce qui est passionné, personnel et transitoire, se rattache et se soumette à ce qui est abstrait, impassible et immuable. Il faut que le gouvernement repousse cette réminiscence révolutionnaire qui lui fait